MOMENTDE VIE dans la classe « JE CRITIQUELESARABES ! »
Aujourd'hui 11 avril 2011, Conseil de classe.
Les propositions diverses et variées sont traitées dans l'ordre d'apparition sur le frigo (grande feuille murale sur laquelle notent les enfants leurs propositions d'une semaine sur l'autre). Puis vient le temps des critiques. Temps redouté, je l'avoue, concentration extrême pour ne pas tomber dans le tribunal, réussir à contrer les renvois de critiques "c'est pas moi c'est toi qui..." favoriser l'écoute du message clair, entrainer à une reformulation, à l'expression de son besoin et à trouver une réparation appropriée (lettre d'excuse ou dessin pour le moment).
Quand vient la critique d'Angélo, petit gitan : « je critique les arabes car ils parlent en arabe de temps en temps et moi je ne comprends pas alors ça m'énerve ». Je réfrène mon envie de parler immédiatement (l'invariant de Freinet n°20 : parler le moins possible m'aide beaucoup dans ces cas là), et la présidente du jour distribue la parole. Kaouthar répond : « quand tu fais une généralité ça ne me plait pas, car je suis arabe et je ne parle jamais en arabe à l'école. » Un grand soulagement m'envahit, le lièvre est débusqué, mais elle continue : « Tu pourrais par exemple préciser quelles personnes font cela. » Bon ! c'est sûr elle est déjà ceinture noire de comportement, ça aide un peu mais sa remarque fait tilt et Angélo reformule sa critique. Sur ce, j'interviens pour l'aider à exprimer son ressenti : « Qu'est ce que ça te fait quand tu entends parler en arabe et que tu ne comprends pas ? » « Eh bien ça m'énerve, j'ai l'impression qu'on parle de moi, peut être qu'on m'insulte. »
Lorenzo, d'origine Italienne, obtient alors la parole : « Je ne renvoie pas la critique mais je dois dire que moi aussi quand j'entends parler les gitans en espagnol et que je comprends pas je ressens comme Angélo. »
Parfait, je recentre le débat sur une proposition pour régler ce problème. Plusieurs enfants prennent la parole pour interdire de parler une autre langue que le français dans l'école. Je lève le doigt pour demander la parole et quand enfin je l'obtiens : « je trouve formidable qu'il y ait autant de langues différentes réunies dans une même classe. Et interdire c'est exclure, je préfèrerais qu'on trouve une solution pour permettre. » Et ça n'a pas manqué : « on
pourrait apprendre les langues des autres ! »
Pas moins de 5 propositions d'organisations différentes ont été proposées : faire comme un marché de connaissances pendant le temps de travail personnel, deux élèves apprennent aux autres une langue, on fait une liste des mots dans les différentes langues, un jour de la semaine pour une langue particulière (le lundi l'arabe, le mardi l'italien, le jeudi le turc, le vendredi l'anglais...)
C'est cette dernière proposition qui a été adoptée.
D'une proposition polémique et limite raciste en tout cas excluante, nous avons réussi à en faire une force de construction, d'apprentissage, de coopération. Je dois dire que je suis fier de notre travail de classe.