La monnaie intérieure comme instrument éducatif

Voici un texte dont l’objectif est de présenter sous deux aspects l’outil pédagogique que l’on nomme monnaie intérieure. Il s’agira dans un premier temps d’esquisser les intentions éducatives pour lesquelles il a été pensé. Nous en avons identifiées quatre ici simplifiées :

-          permettre à des enfants de mettre un premier sens au travail scolaire ;

-          permettre aux enseignants de faciliter la mise en place des valeurs coopératives ;

-          permettre à une classe d’aider les enfants les plus en difficulté ;

-          préparer les enfants à l’utilisation de l’argent en tant qu’adultes.

Il s’agira ensuite de tenter une approche pratique en répondant à diverses questions. Il se trouve que les débats entre enseignants sur cette question sont souvent très stériles parce qu’ils créent des affrontements exclusifs. Notre but n’est pas de convaincre mais d’expliquer le plus objectivement possible les raisons pédagogiques de cet emploi qui se veut souvent très réfléchi.

« L’école et le fric » : voici une rencontre qui contente certains mais qui en insatisfait beaucoup d’autres. Ces derniers sont le plus souvent parents et enseignants qui ne souhaitent pas que leurs enfants sombrent dans un enfermement qui les lie à l’argent. Quelques situations vont en effet dans ce sens lorsqu’on sait que certaines compagnies financières s’appuient sur des soi-disant matériels éducatifs pour au final ne faire que la simple promotion de leur produit au détriment de celui des concurrents et en se servant de la crédible malléabilité des enfants. La seconde grosse raison qui fonde la réticence de l’argent à l’école est le lien de dépendance que certains adultes ont à l’argent. « Le dieu argent ne risque-t-il pas de s’accoutumer à ces enfants comme il l’a fait pour moi ? » est la plus fréquente angoisse qui ressurgit de ces échanges. En fait, répondre à cette question correspond à envisager deux alternatives. La première englobe le fait que la référence à une monnaie dans une classe a été pervertie dans le sens où son emploi a sombré dans une dérive capitalisante des ressources. En d’autres termes, il s’agirait de conférer aux enfants les plus habilles des droits économiques qui les rendent supérieurs aux autres et en plus qui leur permettent d’accroître ce statut plus facilement que sans ressources. La seconde réponse fait référence à son propre rapport à l’argent et à la conception philosophique que l’on y attribue : « Qu’est-ce que l’argent ? », « Quelle importance y donnons-nous ? », « A quoi sert-elle ? » ... Il paraît tout à fait évident que la plupart de ceux qui se reconnaissent en délicatesse avec les monnaies risquent fort de transférer sur leurs enfants ou sur ceux dont ils ont la charge des sentiments congruents. C’est une sorte d’effet Pygmalion ...

Certains éducateurs ont pris pour partie d’employer dans leur classe, comme outil pédagogique et éducatif, une monnaie dite intérieure, ce qui signifie qu’elle n’a cours que pendant les heures de classe et généralement à l’intérieur du lieu de vie de groupe. A la lecture de ce qui précède, cette réalité ne peut qu’étonner. Il convient donc d’en préciser les intentions éducatives porteuses et d’en indiquer le champ d’emploi.

Il est possible de dresser une série de quelques intentions relatives à la monnaie intérieure. Ces intentions ne sont pas ici présentées de manière hiérarchisées. De manière générale, on peut poser comme postulat que la monnaie, comme souvent toute autre institution pédagogique, se veut un instrument de médiation entre divers acteurs humains (enfants et adultes), matériels (outils divers) ou immatériels (les symboles et relations). C’est une sorte de trait d’union facilitant la rencontre entre deux entités en relations.

Une première intention s’attache à ces enfants qui ont du mal à considérer le travail à l’école comme une activité susceptible de leur apporter, de les faire grandir et de les aider pour leur avenir. Encore faut-il que l’on s’oppose aux déterminismes sociaux en matière d’éducation. De plus et très largement, aucun enfant ne travaille pour rien. Si ce n’est pas pour être payé, ce sera alors pour contenter un parent, pour bénéficier d’un cadeau en fin de période, pour satisfaire un adulte sur qui on projette des désirs, pour manifester une supériorité sur d’autres enfants avec qui il y a compétition, ... Bref, le travail scolaire est souvent motivé par une foule d’objets, rarement centrés sur son propre épanouissement, plutôt centrés sur des congratulations ou une reconnaissance identitaire, peu en lien avec les objectifs éducatifs poursuivis par les enseignants. Ainsi, payer un enfant pour son travail, c’est lui indiquer un sens aux efforts qu’on lui demande. S’engager dans cette voie ne se fait donc pas pour être estimé, gagner quelque chose ou se faire valoir, mais plutôt pour obtenir un produit symbolisant le fruit de ses engagements authentiques. En tant qu’enfant, je suis amené à travailler pour moi-même, même si le fruit de mes efforts sera matérialisé par un bout de monnaie sans valeur en dehors de la classe. Pour beaucoup, c’est la possibilité de se convaincre de ses propres capacités sans avoir été contraint à se les prouver en « battant un copain ou une copine. » L’ultime visée pour l’éducateur reste le transfert des intérêts vers d’autres lieux de désirs, cette fois-ci centrés sur la réalisation de soi et la certitude d’un travail conduisant vers un aboutissement personnel optimisé. Dans les faits, la monnaie est donc un passage intermédiaire permis aux élèves qui débutent d’un « j’ignore à quoi sert l’école » pour aboutir à un « je travaille pour préparer mon avenir sinon d’adulte d’écolier, de collégien et de lycéen. » Il est important d’indiquer que le travail payé n’est pas un travail réussi, ce qui consisterait à favoriser une fois de plus seulement les bons élèves. Il importe plutôt de s’attacher aux efforts fournis, parfois difficiles à repérer par un regard extérieur mais clairement identifiables par les enseignants qui passent toutes leurs journées dans les classes.

La deuxième intention visée par les enseignants qui se réfèrent à une monnaie dite intérieure (bien qu’on ne soit pas contraint à employer ce terme) concerne le fait que nous militons pour la promotion et le respect de valeurs coopératives. Nous souhaitons que les enfants rencontrés dans nos classes soient capables d’apprendre par l’entraide et à leur tour de proposer leurs compétences à des pairs qui en manifestent le besoin. Nous travaillons pour que les enfants deviennent des adultes moins centrés sur leurs propres intérêts, qu’ils soient en mesure d’estimer ceux des personnes avec qui ils vont interagir. En somme, nous recherchons l’accomplissement de valeurs humanistes faisant de la Personne une entité auteur et acteur de sa propre existence dans le contexte d’un groupe d’appartenance. Dans nos classes, cela se traduit par la possibilité donnée aux élèves de s’aider lors de moments prévus à cet effet, par de plus grandes libertés de déplacement, de parole et de champs d’action. Les problèmes que nous rencontrons alors dans ces libertés permises aux enfants sont que la classe se transforme en une forme de « ruche » dans laquelle beaucoup de relations se créent et de nombreuses situations échappent au contrôle de l’enseignant qui d’ailleurs ne souhaitait pas forcément en être le censeur. Comme pour dans d’autres domaines, on ne peut pas compter sur le fait que ce qui est relatif aux relations soit inné chez les enfants. On ne peut pas attendre d’emblée d’eux qu’ils soient en mesure de régler tous leurs petits conflits, qu’ils sachent réguler leurs propres libertés, en particulier celle de la parole et à son intensité. En tant qu’éducateur et parce que nous les conduisons à s’exprimer en tant qu’individus, c’est de notre responsabilité de les y préparer. C’est pourquoi, devant ce nouvel espace d’évolutions, des instruments de médiations s’imposent si l’on ne souhaite pas que la classe devienne un lieu impropre à la concentration en raison de trop fort niveau sonore ou un espace d’exercice du pouvoir des leaders du groupe qui seraient alors en mesure d’exercer leur autorité en lieu et place de celle de l’enseignant. Ainsi peut intervenir la monnaie intérieure, en complément d’un règlement de classe qui fixe les droits et les devoirs de chacun et de valeurs expliquées par l’enseignant qui permettent les libertés et l’entraide. Avec l’argent gagné par le travail scolaire voire même les métiers de classe, chacun peut participer à un marché pour vendre et acheter. Les enfants peuvent aussi se servir de leur argent comme moyen possible de sanction, au regard du règlement de classe. La monnaie intérieure intervient alors comme un moyen simple et fort en sens pour s’acquitter d’éventuels comportements déviants. Cela permet au conseil de bénéficier d’un instrument de sanction facile d’emploi et qui évite les longs et interminables débats autour des décisions à prendre. Cela confère à l’enseignant un outil extérieur à sa propre personne et donc intervenant comme médiation entre lui et les enfants. Cela permet aux élèves de disposer d’un outil de sanction fort sans tomber dans les pensums, les privations de récréations, les excuses sans effet ou les punitions humiliantes et qui, plus est, une fois la sanction payée, permet d’oublier l’erreur commise sans pour autant en interdire une éventuelle réparation.

La troisième intention portée par l’instrument monnaie intérieure est ce que R. Laffitte nomme « la paye thérapeutique. » Il s’agit d’une pratique occasionnelle dont le but est de souligner un effort particulièrement difficile entrepris par un enfant en difficulté dans un domaine. Un peu comme une sorte de dérogation aux modalités des payes communes, l’enseignant ou le conseil peuvent décider de féliciter et encourager à poursuivre un enfant qui viendrait de manifester un effort reconnu comme difficile pour lui. Il s’agit d’une paye extraordinaire, dont le but n’est pas de s’étendre à toute la classe mais simplement de montrer par du positif à un enfant que malgré ses peurs et ses réticences, les évolutions sont possibles et les apprentissages envisageables. Diverses expériences relatées au travers de nombreuses monographies ont montré l’importance de cette paye thérapeutique pour aider des enfants à se débloquer dans des zones de stagnation importante. Il peut s’agir de difficultés comportementales comme par exemple apprendre à se référer au conseil plutôt que de taper ou disciplinaires comme celles relatives aux pratiques sportives ou aux travaux en orthographe et grammaire.

La quatrième intention intervient en réponse à tous ceux qui pointent du doigt la dérive capitaliste d’un tel système. C’est justement parce qu’il y a des risques à user de l’argent qu’il est possible de préparer les enfants à son emploi. Ce n’est pas parce que des adultes vivent difficilement le recours récurrent à l’argent pour en interdire l’accès aux enfants et ne pas les initier à ce qu’il rencontreront, quoi qu’il en soit. Au départ, l’argent intervient en substitution au système de troc, son gros avantage se retrouvant dans la simplification des échanges qu’il permet (M. Mauss, « Essai sur le don », Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 1968.) Avec l’argent, les relations sociales sont plus directes et les rencontres interpersonnelles facilitées. Alors qu’en tant qu’adulte on peut difficilement se passer d’argent dans nos relations sociales, pourquoi en interdirions-nous l’accès aux enfants ? Comme pour beaucoup d’autres domaines, tout espace de liberté suscite des dérives. Cela ne veut pas dire pour autant que l’argent en tant que telle est un système qu’il faille bannir des sociétés humaines. Ces dérives existantes, c’est une raison de plus pour se servir de l’école et préparer les enfants à comprendre la nature de l’argent, à saisir les raisons de son existence, à situer ses zones de mal emploi pour enfin les aider à s’y référer sans pour autant en devenir esclave. Ainsi, le conseil ou d’autres lieux de vie de classe seront l’occasion d’échanger sur des situations où l’argent intervient et alors permettre aux enfants une construction personnelle de son emploi. Les classes qui pratiquent des discussions à visée philosophique se servent souvent de ce thème comme support aux échanges. C’est alors l’occasion pour l’enseignant de s’apercevoir que les enfants ne donnent à l’argent que l’importance qui lui correspond, à savoir un instrument facilitant les échanges humains.

Pour poursuivre cette réflexion sur l’outil monnaie intérieure, nous pourrions préciser dans les détails les manières de s’y référer dans la classe. A noter que cette technique n’est pas un outil spécifique à la PI puisqu’elle est apparue pour la première fois dans un article du Nouvel Educateur de novembre 1955. A noter également qu’on ne peut pas le mettre dans n’importe quelles mains d’enseignants qui risqueraient, sans les valeurs qui s’y réfèrent, d’en faire un outil plus de perversion que d’éducation. Ce n’est pourtant pas la plus difficile et dangereuse des techniques développées par Freinet et ses successeurs. René Laffitte reconnaît que sa classe fonctionnait bien avant d’avoir pensé à la monnaie intérieure mais qui lui serait difficile maintenant de l’envisager autrement à la vue des évolutions mesurées (René Laffitte, « Mémento de PI », Matrice, Vigneux, 1999, p 245.)

Ce qui suit se veut la présentation d’un dispositif de classe relatif à la monnaie intérieure. Il ne se veut pas un modèle du genre mais bien une forme facilitant la connaissance de cet instrument, une sorte d’exemple qui ne soit pas un modèle et à partir duquel des conceptions pourront s’élaborer et peut-être des adaptations en classe possibles. Toujours pour simplifier une présentation qui gagnerait à être illustrée par une immersion dans une classe, nous proposons une série de questions comme guides à la progression. Tout au long de ce texte, n’oublions pas que la monnaie intérieure dont il sera ici question entre en interaction avec tous les autres outils de la machine TFPI. Elle ne constitue donc en aucun cas une fin en soi, juste une élément supplémentaire pour tenter d’atteindre les intentions présentées précédemment. Tout comme il nous parait plus difficile de concevoir une classe coopérative sans un système similaire à la monnaie, il serait encore plus aberrant et déplacé de ne compter que sur cet outil pour diriger tous les éléments d’une vie de classe.

La dernière remarque tend à préciser que le contexte est une classe de cycle III. Ainsi, les copains se trouvant dans des espaces éducatifs différents pourront envisager des adaptations.

1 - Concrètement, comment se présente cette monnaie intérieure ?

Il s’agit en fait de petits billets de papier ou de carton. On utilise une unité de départ (le point, le bal, le tissou, le soleil, ...) et on fabrique des billets de diverses valeurs : le décapoint, l’hectobal, le soleil, ...

Chaque enfant s’est vu conseiller de se fabriquer un porte-monnaie dans lequel il range la monnaie qu’il reçoit à chaque paye. Souvent et après des histoires de pertes, de disparitions ou de vols, les conseils décident de la création d’une banque. Un banquier est nommé, ce qui permet à chaque enfant d’ouvrir un compte, d’y déposer et de retirer les sommes d’argent qu’il souhaite.

2 - Qu’est-ce qui est payé ?

Il y a autant de réponses à cette question qu’il y a de classes qui emploient la monnaie. En fait, cela dépend de l’importance que l’enseignant veut y accorder et de l’étape de vie de la classe. En effet, ce qui est payé en début d’année est souvent différent de ce qui l’est en fin : les conseils, par le jeux des propositions, ont pouvoir de modifier les montants et les domaines de paye.

Pour illustrer cette réalité, voici un classement qui indique ce qui est payé en début d’année, ce qui peut le devenir en cours par décision du conseil et ce qui n’est jamais payé.

Ce qui peut être payé en début d’année :

Ä  Les travaux scolaires ;

Ä  Les métiers ;

Ä  Les gros efforts ;

Ä  ...

Ce qui peut devenir source de salaire :

Ä  Les nouveaux métiers ;

Ä  Les diverses fonctions de la classe (présidences, secrétariat, chef d’équipe, ...) ;

Ä  Les ceintures ;

Ä  Les articles pour le journal scolaire ;

Ä  La qualité d’un travail d’équipe ;

Ä  Les exposés ;

Ä  ...

Ce qui n’est jamais payé :

Ä  Tout travail qui ne demande pas à être payé ;

Ä  Les dons à la classe ;

Ä  Ce qui est payé de retour : les lettres aux correspondants ;

Ä  La plupart des travaux d’atelier, l’art et le jeu : ce qu’on fait pour son plaisir ;

Ä  ...

3 – Comment sont calculés les divers montants de salaire ?

Une fois de plus, il n’y a pas de règle. Voici une façon de faire parmi d’autres tout aussi réfléchies. Nous prendrons « l’étoile » comme unité.

REMARQUE IMPORTANTE : de manière générale, ce qui est payé correspond à la peine que l’on s’est donné pour produire, à l’effort fourni. Ce n’est en aucun cas la réussite qui fixe le salaire, ce qui ne favoriserait que les bons élèves. C’est bien sûr l’adulte de la classe qui se fixe ses propres critères. Ceux-ci, de toute manière, ne peuvent être les mêmes pour toute une classe puisqu’ils tiennent compte du niveau de départ et de l’évolution de chaque enfant.

Ä  Les travaux sur fiche, les articles et les exercices d’évaluation sont payés 2 étoiles. Un travail non rendu n’est pas payé. Un travail bâclé, c’est à dire mis à la correction sans réels efforts ni application est payé 1 étoile.

Ä  Une ceinture en math ou en français, dans la mesure où les efforts pour répondre aux exercices sont conséquents, est payée 10 étoiles.

Ä  Les métiers sont payés au maximum 5 étoiles. C’est un conseil des métiers qui détermine une échelle en fonction de la difficulté des tâches dont les enfants vont être responsables. Ainsi, le responsable de la porte ne peut être payé qu’une étoile alors que l’informaticien de la classe peut l’être 4 étoiles.

Ä  Les exposés sont payés un maximum de 10 étoiles.

4 – Comment sont payés les enfants ?

En fin de semaine, chaque enfant est amené à faire le bilan de son plan de travail. Il relève alors tous les travaux réalisés, comptabilise l’ensemble des salaires gagnés sur les fiches, les articles ou les cahiers (notés par l’enseignant lors des corrections), rajoute les éventuels salaires annexes (métiers, fonctions, ...) et enlève les amendes reçus. Sur une partie du plan de travail « bulletin de salaire », il note ce qu’il doit gagner.

Après la vérification de l’enseignant et sa validation, il se rend auprès du responsable des payes (un métier) pour recevoir son argent.

5 – Que font les enfants de cet argent ?

Dans la classe l’argent peut être utile dans diverses situations. Tout d’abord, il sert à acheter lors du marché de classe qui se déroule une fois par semaine et qui regroupe des vendeurs de petits objets fabriqués ou amenés de la maison avec l’autorisation des parents. Ensuite, cet argent est employé pour payer ses amendes et ainsi s’acquitter aux yeux du groupe d’un non respect du règlement de classe. Cette monnaie est également utilisée pour remplacer du matériel de classe (stylo, règle, gomme, ...) perdu ou endommagé. En début d’année, un ensemble complet est distribué à chacun mais s’il arrive que l’un des enfants en abîme une partie, il doit s’en acheter un nouveau. Notons que ce n’est pas le cas par exemple pour un stylo terminé ou un cahier rempli.

Nous avons vu que la monnaie pouvait être un outil de médiation entre un expert et un demandeur d’un contrat d’aide, bien que ce ne soit qu’une possibilité. La monnaie peut enfin servir si la classe effectue une sortie scolaire pour l’achat de souvenirs, de cartes postales, de timbres ... C’est alors la coopérative qui paye en euros les objets achetés ce qui permet aux enfants de se servir une fois de plus de leur argent.

N’oublions pas qu’indirectement, cette monnaie qui circule dans la classe est un support très favorable aux explorations mathématiques. Souvent, les enfants rencontrent des situations particulières qu’ils relatent à travers notamment les textes libres mathématiques. Dans les petites classes, la monnaie sert également d’outil de travail sur les nombres.

Il arrive quelques fois que des enfants décident de s’associer. L’expérience a montré que cela se terminait mal. C’est pourquoi certains conseils l’interdisent et d’autres enseignants permettent les associations et s’en servent comme support à des discussions.

6 – Et ceux qui n’ont plus d’argent ?

Parce que certains enfants ont tout dépensé au marché, parce qu’il n’ont presque rien fait en terme de travail ou parce qu’ils ont eu beaucoup trop d’amendes, il arrive parfois que certains soient en fin de semaine ruinés voire endettés. Ils perdent alors de fait leur pouvoir d’achat dans la classe.

Plusieurs possibilités sont alors envisageables :

Ä  En discuter au conseil et poser une décision. Le principe alors n’est en aucun cas de chercher une punition puisque la sanction a déjà été formulée sous forme d’amende. Attention à la double peine.

Ä  Proposer des travaux utiles à toute la classe qui seront payés.

Ä  Ne rien faire.

Diverses situations nous ont montré qu’il ne servait à rien de comptabiliser les points de dettes et de les accumuler au fil des semaines. Il convient plutôt de repartir à zéro.

7 – Comment les enfants s’approprient-ils cette monnaie ?

Nous avons pu repérer divers types de relation à la monnaie dans une classe coopérative. Certains enfants n’y confèrent aucune valeur, ils disent que ce n’est pas de l’argent vrai et que « c’est pour les gamins. » Ils sont très peu. D’autres, la plupart, comprennent très rapidement le fonctionnement et s’y investissent follement. On observe alors l’évolution repérée par F. Oury pour le conseil : une phase de découverte où on s’engage à fond et où tout est bien, une phase de contestation où la monnaie soit ne sert plus à rien soit est thésaurisée, où chacun tente ce qui n’est pas permis et où par exemple on trouve des billets par terre puis une phase d’adaptation où la monnaie existe dans la classe pour ce qu’elle est et rien de plus. Enfants et enseignants s’y réfèrent donc naturellement, au même degré que pour toutes les autres institutions de la classe.

A plusieurs reprises, la monnaie s’est avérée être un véritable tremplin aux désirs d’apprendre. Certains enfants bloqués dans l’attente et l’inactivité scolaire, dans la passivité et le paraître, ont pu trouver dans cet outil une source d’investissement qui a conduit à la mise en route des efforts. Plus tard, d’autres supports sont nécessaires, notre propos est ici d’indiquer que la monnaie a une faculté de déclencheur.

Enfin, nous avons pu observer des enfants qui avaient choisi de ne plus se servir de la monnaie, ou juste pour bénéficier du « minimum vital » : s’acheter les fournitures nécessaires ou le petit objet du marché. Ces enfants en avaient compris l’intérêt et s’était rendus compte qu’il était en fait ailleurs : dans les apprentissages scolaires. C’est en somme toute la visée recherchée par l’enseignant : conduire chaque enfant à une autonomie dans son travail : être arrivé à comprendre que les efforts ne serviraient ni aux parents, ni aux copains, ni à l’enseignant mais bien à soi-même pour son devenir.

Sylvain Connac - Montpellier

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