Les élèves en refus de travailler
Présents : Gilles – Isabelle – Izabelle – Sylvain – Mireille – Cécile - Cédric – Pierre – Olivia - Cédric
Certains enfants, en opposition au maître, refusent de lui faire plaisir, ne travaillent donc pas. D’autres trouvent trop difficiles les consignes passées et s’enferment dans du refus. D’autres enfin semblent avoir peur de se tromper et n’osent pas se lancer, proposer une création indépendante d’une consigne claire.
Mais qu’est-ce que travailler ? Quelle différence entre le travail et l’activité ? L’acte d’apprendre devient possible à la réunion de divers facteurs, pas toujours les mêmes selon les situations et les individus. Effectuer une tâche « scolaire » peut avoir un impact éducatif moins fort que des activités en apparence peu didactiques. Autrement dit, des activités réellement investies par les enfants à travers une mobilisation cognitive importante peut contribuer à un enrichissement du cortex nécessaire à l’acquisition de compétences identifiées comme purement scolaires. Ainsi donc, l’activité des enfants dans une classe serait donc une évolution considérable au regard de ce qui se perd avec les phases d’ennui et d’inactivité et pourrait constituer une étape vers ce que l’on nomme communément le travail scolaire. Cette logique d’engagement éducatif vaut pour des périodes s’étalant sur plusieurs années, reste difficile à défendre auprès de CM2 devant envisager leur entrée au collège. Mais de manière générale, on peut reprendre ce principe du tai-chi, qui énonce que, quand on s’oppose, le mouvement est plus violent que lorsqu’on l’accompagne.
En ZEP, plusieurs recherches ont émis la critique que la classe coop risque de créer de la sélection. Est-ce qu’on ne reproduit pas dans la pratique le modèle du bon élève ? Voici ce qu’en dit Philippe PERRENOUD :
« On retrouve le paradoxe des pédagogies nouvelles : elles risquent de fort bien convenir aux élèves qui sont aussi les principaux bénéficiaires des pédagogies frontales [Perrenoud, 1996 b]. Devant le discours magistral, comme dans une situation-problème, chacun, selon son héritage culturel, son itinéraire, son rapport au savoir, ses moyens de compréhension et de communication, investit différemment et engrange – en termes d’apprentissages – des profits en proportion de son investissement. Face à une situation problème, l’espace de jeu des élèves est important et permet des initiatives, ce qui, paradoxalement, peut créer de plus grands écarts qu’une leçon traditionnelle suivie d’exercices, même si certains atouts perdent de leur valeur – par exemple un rapport déférent au savoir et au professeur -, alors que d’autres deviennent pertinents, par exemple une certaine imagination. Il importe donc que les pédagogies nouvelles ne fassent pas confiance à leurs bonnes intentions et mettent en place des dispositifs favorisant activement les défavorisés. »
En réponse à cette critique, il est dit qu’au regard de la réalité de nos classes, le cadre coopératif est moins anxiogène parce qu’on va faire à son rythme, on a le droit de se tromper, … En même temps, les compétences relatives à l’organisation ne sont pas évidentes à construire. Se trouvent dans nos classes des enfants qui ne font rien parce qu’ils n’osent pas essayer. A l’inverse, avec les enfants « scolaires » ou inscrits dans un contexte à forte demande scolaire, la classe coopérative peut être anxiogène. Certains parents peuvent devenir les ferments de cette pression, l’originalité des formes de travail entraînant chez eux davantage de questions que de repères pour suivre.
Il semble y avoir un grand intérêt dans les tuteurs qui se mettent à disposition des enfants qui en manifestent le besoin. Grâce à eux, des portes d’apprentissages s’ouvrent pour ceux qui, justement, rencontrent des difficultés à s’activer à l’école. De même concernant les équipes de travail qui apportent à ceux qui ne travaillent pas la stabilité d’un cadre. L’usage de tous les outils de la classe coop est complexe, nécessite donc un temps d’adaptation d’autant plus important avec des enfants nouveaux.
Comment valoriser le temps des tuteurs ? Le travail effectué par eux, même s’il n’est pas évaluable de la même manière, est important et est digne de reconnaissance. L’acte d’apprendre n’est réellement effectif qu’à partir du moment où il y a capacité à pouvoir expliquer, transmettre, enseigner. A ce titre, les activités tutorielles ont une vertu pédagogique dans le sens où elles renforcent les apprentissages en cours d’exploration. C’est dans cet esprit que s’utilisent les « remarques positives. » Véritables « anti-gênes », elles visent à reconnaître les comportements positifs dans la classe, à ne pas faire de la feuille des gênes le support d’existence aux enfants rencontrant des difficultés. Avec les remarques positives, il devient possible d’exister par ce que l’on réalise de bien dans le groupe. Bernard DEFRANCE (Sanctions et discipline à l’école – Syros – 1999), explique que pour certains jeunes il vaut exister par l’infraction que risquer se sentir ne pas exister.
A égale mesure, les responsabilités et les métiers dans la classe peuvent être vécues comme des alternatives de reconnaissances positives. Ce n’est pas parce qu’on rencontre des problèmes dans le travail que l’on est en même temps incapable de pouvoir être reconnu pour une fonction que l’on assume au sein du groupe.
Pour aider les enfants en mal d’engagements dans la classe, peuvent s’organiser des « stages ». Cela peut être des stages autour d’outils, de modalités d’organisations, …
Avec ces enfants qui ne travaillent pas, il arrive souvent que les parents soient sollicités. Cela peut avoir des dérives graves, notamment avec les menaces de violences physiques.
Il est envisageable de demander la réalisation d’un travail peu motivant avant de pouvoir passer à une autre activité. Ce n’est pas du domaine du chantage puisque cela fait aussi partie de ce qui est demandé par l’école à tous les enfants.
Face à un enfant refusant le travail à l’école, peut lui être rappelé de manière ferme que la première loi de la classe est de travailler, de produire de l’activité. La contrepartie du travail est la participation à la vie coopérative de la classe. A l’inverse, refuser le travail, serait s’exclure des activités d’expression et de décision. Un problème de cette logique est la mise d’une importante pression et aussi, le développement de « faire-semblant. »
La classe n’est pas une prison pour un enfant, des changements de classe en cours d’année peuvent être envisagés. Pour éviter que des décisions puissent être prises sur des « coups de sang », il peut être exigé une semaine de réflexion avant la prise en compte de la demande. Par la suite, c’est surtout une question de cohésion d’équipe d’adultes, la dérive étant de tomber dans une compétition d’attraits des enseignants. Une fois ce travail effectué, il peut être demandé une semaine d’immersion dans la nouvelle classe d’accueil, au terme de laquelle une décision définitive de retour ou changement peut être prise.
Le recours au sociogramme peut avoir des effets néfastes sur le groupe et la mise à l’index de certains enfants. Mais en même temps, l’évolution des scores de chacun peut faire l’objet d’un travail important auprès des enfants.