Connaissance du système éducatif.
Thème : réflexions sur la sanction dans l’acte éducatif.
« Dis-moi comment tu sanctionnes, je te dirai comment tu éduques ». La sanction est un bon analyseur, elle est une « veduta » pertinente pour lire et décrypter l’action éducative. Interroger celle-ci à partir des marges et des situations-limites car il y a toujours des moments où l’action éducative menace de devenir Autre. Penser l’éducation non en s’installant au cœur des beaux principes et des sages recommandations mais en méditant sur les moments de tension et de crise, moments où la violence (physique et/ou symbolique) est toujours à deux doigts de poindre. « Punir, jamais et sanctionner, quand il le faut », disent certains éducateurs. Sanctionner ou punir, est-ce bien différent ? Dans la première partie de cet ouvrage, l’auteur utilise les 2 thèmes de manière indifférenciée. La sanction (ou la punition) est entendue au sens large comme l’acte par lequel on rétribue un comportement qui porte atteinte aux lois, aux valeurs ou aux personnes d’un groupe constitué. Dans la seconde partie, il distingue les deux termes et opte pour celui de sanction, soucieux de ne pas endosser tout l’héritage doloriste que véhicule le terme de punition.
THEME SUR LA SANCTION –
Cours C.P.E. Interne
1) Définitions
Sens général du mot sanction : vient du Latin « sanction », « sancire », rendre irrévocable, prescrire, interdire et ratifier.
4 définitions possibles.
1) Acte par lequel le chef de l’exécutif rend une mesure législative exécutoire, en donnant son approbation.
2) Approbation même, consécration ou confirmation d’une mesure législative.
3) Peine ou récompense prévues pour assurer l’exécution d’une loi.
4) Peine, établie par la loi, pour réprimer l’acte commis.
1) On valide, on met en place.
2) Prescrire.
3) Négatif ou positif.
4) « Peine physique », punition.
Donc, 2 types de sanctions.
Sanction positive : récompense, gratification, dédommagement, compenser un dommage. Bien matériel pour ou moral pour compenser un fait positif.
Sanction négative : implique l’idée de punition.
Pourquoi la sanction est-elle indispensable dans la vie de la société ?
Nécessité d’une régulation de la vie en société.
Harmonie, des relations, entre les individus, dans la société.
Citoyenneté. Pendant la construction de la citoyenneté des élèves, afin qu’ils puissent, plus tard, mieux appréhender la vie en société. Respect de la vie publique et garantie de la sécurité et de la morale.
Comment faire régner l’ordre moral ?
- Par les lois et les règles.
Règle vient du Latin regula (principe) et regele (diriger).
C’est un principe, théorique ou pratique, qui indique, la marche à suivre, pour aboutir à un résultat. Adoptée, par l’individu, pour suivre une ligne de conduite, soit par la loi, soit par la morale.
La norme, c’est la règle modèle par laquelle on va porter des jugements de valeurs (« c’est normal ! »).
La loi est une prescription établie par l’autorité souveraine. Elle est applicable à tous (comme le R.I.). Elle est liée à un pouvoir de coercition et de répression.
Coercition : acte de contraindre, d’obliger à faire quelque chose, par pression morale ou physique. Contrainte imposée par avance.
Répression : mesure qui ne peut arriver qu’après. Réprimer : faire reculer, empêcher de se développer, de s’exprimer, que quelque chose, qui soit condamnable, intervienne encore.
Discipline : 2 définitions.
La discipline qui constitue l’instruction : la direction morale qui influence les comportements.
La règle de conduite commune à tous les membres d’un groupe (communauté), pour faire régner le bon ordre. Renvoie à la notion de valeurs.
Valeurs :pour Obin, c’est la référence qui permet de marquer le prix ou le caractère de perfection que l’on attribue à un être ou à une règle.
Partager, les valeurs, dans un but de maintien de l’ordre social. Valeur = accords entre ce qui est beau, bon, bien et juste.
Bien : ce qui fonde la morale.
Bon : par rapport à l’éthique.
Beau : esthétique.
Juste : droit.
Donc,
La sanction naît de la nécessité de maintenir l’harmonie entre les membres d’une société. Elle a, pour but, de réguler les relations afin de maintenir l’ordre public, grâce à l’ordre social, par application de la règle et de la loi, ou besoin par la contrainte (coercition, répression) et exercée par et grâce à l’autorité, pour le respect de la discipline liée aux valeurs de cette société.
2) Historique.
M. Foucault : de la Monarchie Absolue à maintenant.
Sous la M.A., la sanction est un châtiment et un spectacle. Faire en sorte que le supplice judiciaire soit compris. Rituel politique. La loi est la volonté du souverain. Tout ce qui va à l’encontre est une attaque personnelle du souverain. De ce fait, il exprime, sa vengeance, en public. C’est dissuader les éventuels contrevenants. Exemplarité.
Idem jusqu’au 15ème Siècle.
Du 15ème au 18ème , c’est l’Ancien Régime. Structure héritée de cette féodalité. Chacun faisait régner sa loi dans son royaume. Dans la pratique, beaucoup d’illégalisme, de subjectivité.
Deuxième moitié du 18ème : croissance des richesses et du commerce. Les bourgeois, pour qui la discipline était inconcevable (privilégiés) ont peur de se faire voler leurs biens. Ils recommandent la création d’une nouvelle discipline.
Révolution Française : régulariser les choses. Universaliser les lois. « Le malfaiteur est un traître à la patrie ». Notion plus globale de « patrie ».
Selon Foucault, le 18ème connaît la « crise » du châtiment. C’est ne pas moins punir, mais, c’est mieux punir. La punition doit être appliquée à tous. C’est la condamnation des supplices. Emergence de l’idée d’une contrainte morale, au lieu de physique.
- 19ème et 20ème : sanctions dans le but de contrôler les outils de production. Comment ? Domination par le pouvoir disciplinaire. Jusque début 20ème, société influencée par l’organisation militaire. Obtenir une population utile et docile.
Selon, E.Prairat, il existe plusieurs formes de punitions.
Punition expiation. C’est la pénitence. Châtiments corporels, car c’est le corps qui expie.
Punition signe. On rend, de façon analogique (on coupe la main du voleur,..).
Punition exercice. « Je ne dois pas.. ». Travaux forcés, bagne,..
Punition bannissement. C’est l’emprisonnement, l’exclusion d’un groupe (éts. Scolaire,..).
Logiques, de réflexions, à travers les siècles.
3) Réflexions philosophiques.
Rousseau.L’Emile. Fin 18ème. Ne sera appliqué qu’à partir du 19ème. Il distingue l’enfant de l’adolescent.
Pour l’enfant, la pédagogie doit être naturelle. Pas de dressage douloureux de l’enfant. La contrainte existe mais elle doit être impersonnelle. Elle doit éveiller, l’enfant, à la connaissance de la loi. Il va se faire sa propre expérience (se brûler avec le feu,..).
Pour l’adolescent, l’enfant doit déjà avoir intériorisé des règles et des lois. L’adolescent ne devrait plus avoir de comportement déviant. Il devrait avoir des repères qu’il a acquis par son expérience. Mais, il peut y avoir des problèmes (l’adolescent qui casse sa vitre). Là, Rousseau prône la contrainte pour obtenir un accord, un contrat, une médiation. Comprendre les lois. Retour sur soi pour prendre la mesure de ses actes. Ouverture de la médiation et de la compréhension de la loi.
Kant. Fin 18ème. Libre usage, de la raison, pour accéder à l’autonomie morale. Former le caractère du « jeune sauvage ». La discipline va dompter cet animal. 2 idées.
L’éducation physique vise à corriger la nature de l’homme, détournée de la morale. Sanctions physiques et châtiments. C’est peine perdue de discuter des devoirs de l’enfant. Selon lui, l’enfant est trop sensible pour réfléchir.
Pour l’adolescent, c’est la punition morale, comme Rousseau. Il se dit que sa souffrance devient psychologique et qu’il sera plus apte à comprendre. Humiliation , honte, blessure psychologique. Là aussi, cela ne marche pas toujours. Donc, retour à la sanction physique.
Pour Kant, la punition contribue à l’amélioration et au bien de l’enfant. L’adulte doit aider l’enfant (différent de Rousseau, simplement faire comprendre à l’enfant).
Durkheim.19ème-20ème. Il est contre la punition expiation. Pour lui, c’est la loi du Talion. Cela n’est pas éducatif. C’est répressif et intervient a posteriori. L’enfant n’a pas conscience de ses actes. Pour lui, la loi est sacrée. Sa transgression est celle de la sacralité et celle de l’institution qui a créé la loi.
Donc, celui qui transgresse doit être puni parce qu’il a offensé et qu’il a réprobé l’acte.
Offense de la personne à l’origine de la loi.
Offense de l’ensemble de la communauté. Il faut le montrer aux autres, pour rassurer et restaurer le sentiment de sécurité, de l’ensemble de la communauté, et pour renforcer l’autorité.
Piaget. Jusque 1980. Il privilégie plutôt le côté psychologique et génétique de la perception de la sanction. Que peut entendre l’enfant ? A quel âge ? Il distingue l’avant 7-8 ans et son après (rejoint un peu Rousseau).
A 7-8 ans, la faute est une désobéissance. L’enfant ne comprend pas ce qui est juste ou ce qui est égal. La seule sanction efficace, c’est la sanction expiatoire, qui annule, ou réprime, la faute. On ne peut pas expliquer, la faute, à l’enfant. Il ne comprend pas.
Après 7-8ans, la sanction est valorisée. C’est le fait de faire supporter, au coupable, de lui faire prendre conscience des conséquences de ses actes.
A partir de là, il énumère 6 groupes de sanctions. Il distingue l’importance de l’acte par rapport à l’âge.
Faire payer le prix.
Privation de l’objet dont on abuse.
Refaire, au coupable, ce qu’il a fait.
Remplacer ce qui a été détruit (ou volé).
Blâmer et expliquer pourquoi le lien social a été rompu.
4) A l’Ecole.
16ème Siècle. L’enfant était impur, il fallait le protéger. C’était l’ôter de sa famille pour qu’il apprenne, la vie, dans des lieux neutres. Surveillance constante, principe des délations, des sanctions corporelles. Eduquer, c’est punir.
16ème-17ème Siècles. Sanctions corporelles. Interdits et sanctions. Discipline humiliante qui développe un sentiment de culpabilité.
18ème Siècle. Condamnations des pratiques violentes et des châtiments corporels. L’enfant devient porteur d’espoir. Mais, il reste original et imprévisible.
19ème Siècle. Rousseau et Durkheim. L’éducation devient plus préventive que répressive.
Fin 19ème, prémisses de la Vie scolaire. Récréations.
20ème Siècle. Réglementation officielle de la vie dans l’établissement scolaire. Héritages militaires jusque la fin des années 60. La massification entraîne une croissance de la démocratisation.
Avant, la sanction était donnée par quelqu’un de « supérieur ». Maintenant, quelle que soit la sanction proposée, les jeunes contestent la sanction, la refusent, la trouvent injuste. Ils jugent que la personne, qui sanctionne, n’est pas habilitée à le faire. Nécessité de la SANCTION EDUCATIVE, l’expliquer avant de l’appliquer.
Pourquoi la sanction n’est-elle pas toujours éducative ?
Dimension humaine. Chaque individu a son propre système de valeurs.
Chaque adulte a le pouvoir de punir. Il le peut ou pas.
Il est plus facile de punir bêtement que d’essayer de comprendre et de tenter une médiation.
Les habitudes. La sanction est souvent prise dans l’urgence. Peut donc être source d’injustice.
Le poids du passé. Les pensums sont interdits depuis 1890. Pourtant, ils sont encore en application.
Conséquences.
Escalades de sanctions. Valorisation, de l’élèves, par la sanction (le petit caïd qui se vante d’en avoir beaucoup,..). Le parti pris, l’autoritarisme et le laxisme, l’adulte qui perd le contrôle de lui-même,..
Conséquences sur l’élève.
Mise à mal du corps (une gifle) et de l’intimité.
Atteinte psychologique par l’humiliation.
Modification des comportements et des conduites.
Déviations par rapport aux conduites d’apprentissage.
Confusions entre travail scolaire et punitions.
Conséquences sur l’adulte
Sanctionner donne une mauvaise image par rapport au jeune et du jeune par rapport à l’adulte.
La sanction par automatismes. Perte de sens de la sanction. Image d’un sentiment d’isolement par rapport aux collègues.
Conséquences sur l’établissement scolaire.
Nuit à l’image de l’établissement. Cette tendance s’inverse maintenant.
Trop de sanction accroît le sentiment d’inefficacité de la sanction.
5) Objectifs réels de la sanction éducative.
Réconcilier, le fautif, avec lui-même. La sanction doit être proportionnelle à la faute.
Pas de parallèle systématique entre la faute et la sanction.
Réduire la culpabilité et faire savoir, au coupable, qu’il n’y aura pas d’autres représailles, par qui que ce soit.
Faire prendre conscience de ses actes. L’enfant doit apprendre la transgression de la loi (à tous les âges). A l’adolescence, la transgression devient plus systématique. Les adolescents aiment aller aux limites de la trangression (psychologie de l’adolescent). Très subtils. Limites possibles.
La réhabilitation de la présence de la loi. Préserver l’identité du groupe.
Caractéristiques d’une sanction éducative.
Elle s’adresse à un seul individu, à un instant T, et en fonction de l’âge de l’enfant et du degré de ses actes.
Elle porte sur des actes précis (et non pas sur des états d’esprits).
Elle entraîne la privation de l’exercice d’un droit et elle est subie par le fautif. Elle peut s’accompagner de réparations.
Elle vise un objectif réel, c’est-à-dire l’assimilation de la règle, de la loi,..
Elle doit être accompagnée d’une relation d’aide (suivi). Voir si le comportement a évolué.
Synthèse de l’ouvrage d’E. Prairat.
L’expérience des communautés scolaires de Hambourg a définitivement scellé l’échec des pédagogies de l’abstention. La question n’est donc plus de savoir s’il faut sanctionner mais comment sanctionner.
Il faut bannir l’emportement et la colère. L’homme emporté ne punit pas, il se venge.
Il faut l’énonciation de ce au nom de quoi on punit. En énonçant les lois, le magister indique une instance qui lui est extérieure et qui vaut pour tous. La punition n’est plus le caprice du prince.
Il faut une sanction proportionnée à la faute. C’est une règle élémentaire de justice rétributive. La punition analogique, dérivée de la peine du Talion, a été une forme punitive très prisée dans les petites écoles car elle tend à établir une correspondance symbolique immédiate entre la nature de la faute et celle de la punition.
Il faut tendre vers la modération. Quoi qu’il en soit de la réalité effective, on peut dire que la tradition philosophico-pédagogique, dans son ensemble et dans ses intentions, s’est ralliée à la proposition montaniste d’une « sévère douceur » (attitude qui n’excluait pas, le cas échéant, le recours à la manière forte).
Quelles fins poursuit la sanction éducative ?
Une fin psychologique. Réconcilier un sujet divisé. Que la sanction soit proportionnelle à la faute, cela s’entend et nul ne le contestera, mais, qu’elle soit le parfait symétrique de celle-ci, cela n’est guère souhaitable. La sanction n’est pas une contre-violence censée annuler une violence première, mais, un coup d’arrêt pour rompre avec la spirale du faire mal/se faire mal.
Une fin éthique. C’est aider, à un moment donné, un sujet singulier à advenir. Elle est un moyen de promouvoir l’émergence de la liberté en imputant, à un sujet, les conséquences de ses actes. Celui qui a commis la faute n’aura peut-être pas agi de son plein gré, il aura peut-être été le jouet de l’influence de son entourage ou, simplement, de ses impulsions.. Mais, le fait de lui attribuer la responsabilité de ses actes le mettra, en quelque sorte, en situation de s’interroger progressivement sur ceux-ci et d’en être, de plus en plus, le véritable auteur.
Une fin politique. C’est réhabiliter, l’instance de la loi, garante du vivre ensemble. La sanction vise donc à rappeler la primauté de la loi et non la prééminence du maître. Une sanction, qui se prétend éducative, ne peut être utilisée comme une stratégie de réactivation du pouvoir magistral, elle ne peut que réaffirmer la centralité de la loi.
Pour ses caractéristiques, voir plus haut.
Eduquer, c’est tendre à limiter, autant que faire se peut, le recours à la sanction, en faisant, de l’espace éducatif, un espace privilégié pour accéder à l’ordre de la parole et de la raison. Ceci étant, il subsistera toujours des moments de crise et de tension, des situations-limites qu’il faudra bien savoir traiter au mieux des intérêts du groupe et de l’enfant concerné.
Pourquoi rêvons-nous tant, demande Philippe Meirieu, d’une éducation où la sanction soit bien présente mais sans qu’il y ait un éducateur pour l’infliger ? Pourquoi cherchons-nous désespérément à ce que des sanctions, que nous jugeons nécessaires, indispensables même, adviennent au nom d’une simple « justice immanente », dans une « éducation naturelle » ? Que cherchons-nous à préserver là ? Que cherchons-nous à sauver ? Ne serait-ce pas parce que la sanction, transaction inévitablement imparfaite dans les choses humaines, nous met en face de notre propre fragilité et nous interroge sur notre légitimité même à éduquer ? ». Sans doute convient-il alors de ne pas être trop équitable ou trop injuste et de tenir, pour principe éthique, une maxime négative : « ne pas nuire ».